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  • LE DECONTE DE NAWEL
The Magical Universes Of Jeff ROLAND

Le deconte de Nawel
​THE KISSmas countdown
El deCuentacuento de la Natividad

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Le déconte de Nawel

Une histoire écrite de main de maitre par Vincent Bernard - et illustrée par Jeff Roland -

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Christmas, fucking Christmas... Ne me parlez pas de Noël sinon je vois rouge, rouge comme un père Noël éviscéré, l'intestin grêle en guirlande. Un petit papa Noël rouge sang. Un macchabée de Noël barbotant dans une marre de sang, les entrailles en boudin et les tripes en Christmas pudding. Un Santa Claus aux os cisaillés comme ceux d'une dinde, et les testicules pendouillant aux branches du putain de sapin familial. Mon aversion remonte à Noël 2011, où j'ai subi ce violent traumatisme qui restera gravé dans ma mémoire, et qui me fera détester à jamais les fêtes de fin d'année. Aucun sapin, aucun cadeau, aucune bûche, aucun foie gras, aucune huître ou caviar, aucun traîneau, aucun renne ni lutin n'y pourront rien, je reste réfractaire à la magie, au grand désarroi de mon entourage résigné qui a appris à réveillonner sans moi.
J'étais encore tout petit, haut comme trois pommes lorsque ça m'est arrivé. J'allais avoir deux ans, à peine deux ans, et pourtant je me rappelle de cet hiver terrible, du froid mordant, de l'épais tapis de neige ayant recouvert la vie, et du verglas qui finirent de geler une économie déjà ankylosée. Bref, cette époque reste terrible dans mes souvenirs et pas seulement parce que j'ai failli mourir à plusieurs reprises cette année-là. Mon père était un ouvrier qui ne travaillait pas ou si peu. Il travaillait à chaque fois qu'il trouvait du travail, c'est-à-dire quasiment jamais. Ma mère aussi travaillait peu, quelques heures par jour. Un peu de ménage par ci, un peu de repassage par là. Souvent payée au noir mais toujours au rabais. Si peu permettait à peine, à mes parents, de payer les factures qui s'amoncellent comme la neige sur les trottoirs. Souvent mon paternel gueulait de la voix éraillée de celui qui n'en peut plus. A bout de nerfs, il hurlait qu'il se sentait inutile ; incapable de subvenir à nos besoins ; qu'il se sentait indigne et que sa vie ne valait rien ; qu'elle ne tenait qu'à un fil, à nous ses putains gosses qui n'arrêtaient pas de grandir et de bouffer. Il criait, ça, en nous pointant du doigt. Ma mère lui disait alors d'arrêter, qu'il était fou…
Nous, les mômes terrorisés tremblions, recroquevillés les uns dans les bras des autres. Mon père était vraiment effrayant avec ses yeux exorbités et ses grosses veines saillantes. J'étais trop jeune pour comprendre. Mes frères et ma sœur plus âgés avaient du mal aussi. Qu'il faille obéir à maman et bien travailler à l'école, ça allait. Par contre nous n'avons jamais trouvé ni comment arrêter de manger, ni de grandir. Avant les fêtes, les crises s'intensifièrent. Il faut dire que les chamailleries de mes frères n'avaient rien pour arranger l'affaire. Un jour que toute la famille était dans le salon, mon père avachi dans son fauteuil et nous assis à terre devant des catalogues de jouets : - Moi j'aurai une tablette tactile ! - Toi ? T'auras que dalle, tu redoubles. - Toi non plus t'auras rien parce qu'on est pauvre ! Soudain mon père qui fulminait toujours plus d'entendre parler sans cesse de cadeaux, se leva d'un bond et brailla de son air le plus terrifiant, le plus fou, le plus désespéré : - Bordel ! Pour que je puisse bosser, il faut avant tout que je m'achète une voiture. - Laisse-les donc rêver un peu c'est encore que des gosses, lui répondit ma mère. - Ouais ! Chouette un 4x4 avec de grosses roues, dit un de mes frères.
Ainsi la vie de famille n'avait rien de joyeuse. Elle était même terrible, rythmée par les crises de nerfs de mon père et les crises d'angoisse de ma mère. Pas facile de tenir le cap lorsqu'au 15 du mois on a plus un radis, et que l'on doit élever quatre gosses perpétuellement affamés, occupés à grandir et à réclamer sans cesse des jouets, des baskets de marque, et toujours plus d'objets qui coûtent de l'argent que l'on a pas. Alors, souvent, ma mère enfouissait les grosses cernes noires qu'elle avait sous les yeux dans ses mains puis fondait en larmes, des sanglots plaintifs, des spasmes emplis d'une souffrance audible, des complaintes aussi impromptues que répétées. Les choses allaient de mal en pis. Mon père était toujours plus irritable et maman toujours plus dépressive. Si bien que quelque chose devait arriver et quelque chose se passa !
Ma sœur m'a raconté qu'un samedi matin, mon père a demandé à ma mère d'habiller chaudement la marmaille, car il voulait nous emmener en balade. Moi, à 2 ans, j'ai dû être ravi que ma mère m'enfile ma cagoule pour aller jouer dehors. Par contre, ma sœur qui connaissait l'histoire du Petit Poucet fut moins rassurée. En effet, elle craignait que les parents à bout de forces ne se résignent à nous abandonner dans la neige. A l'extérieur un drôle de cortège prit forme. Aux avant-postes mon père avançait courbé. Tant bien que mal, il essayait de barrer le vent glacial à la troupe qui le suivait en file indienne. Nous le suivions en silence, ne sachant trop s'il fallait se réjouir, ou s'il fallait avoir peur. Seul moi, trop jeune, au chaud dans les bras de ma sœur, avait l'air content d'attraper de gros flocons avec le bout de la langue. Nous avancions péniblement dans l'épais tapis neigeux. Il fallait lever haut les bottes pour faire un seul et pénible pas. Parfois des bribes de phrases s'envolaient en même temps que les haleines en buée : - Dans la forêt ? - Mais non t'es con, un foyer d'accueil !

Mon père en tête ne disait rien. Il avançait comme un cheval de trait fatigué, un bourrin pas finaud, sans panache et incapable de motiver ses troupes. Il faut dire que nous n'en menions pas large. Sauf peut-être moi qui m'amusait à ramasser de la neige avec mes moufles pour la tartiner sur le visage gercé de ma sœur. La vieille au soir, l'engueulade de mes parents avait été plus terrible qu'à l’accoutumée : - C'est de la folie, disait ma mère. - Pas le choix il faut qu'on le fasse, répondait mon père. Toute la nuit, nous les avons entendus conspirer de la sorte. Après être sortis du quartier, nous avons longé l'interminable voie rapide. Dans les voitures roulant à peine plus vite que nous marchions, les gens au chaud dans l'habitacle nous regardaient comme de parfaits cinglés. Peut-être mon père l'était-il vraiment ? Peut-être le suis-je aussi, car aujourd'hui encore, quoiqu'il en soit et après des heures de périple, je me souviens que nous sommes bien arrivés au Pôle Nord.

Le village du père Noël ressemblait à un immense bâtiment bleu orné de lettres ocre. Il y avait une mer de voitures, ainsi qu'une immense queue de gens sautillants et attendant de percevoir un sapin. Le principe de précaution étant un réflexe qui s'acquiert tôt, ma sœur déjoua un plan machiavélique en déclinant, au grand dam de mes frères, la proposition de mon père d'aller l'attendre dans la piscine à balles. Nous avons attendu encore plus longtemps qu'à la banque alimentaire. Les gens y étaient encore plus irascibles, insatiables, affamés de rêves et de festivités. Ma sœur dont les lombaires n'en pouvaient plus me posa sur le sol, et moi le lutin, je faillis me faire piétiner par ce troupeau de rennes affolés par l'idée d'un sapin presque gratis, à échanger contre un bon d'achat, une fois l'orgie de fin d'année terminée.
Je n'aime pas Noël puant de concupiscence, aussi parce que les gens seraient capables de tuer ou de mourir pour cette illusion de faste, de luxe, d'opulence. Parce que tous attisés par le crépitement d'une dinde engraissée trop vite, se ruent pour se faire fourrer le fion, se faire enfler aux marrons. Noël n'est qu'une farce dont eux sont les truffes. Et mon père voulant faire la roue au milieu n'était qu'un chapon. Je ne suis pas grincheux de naissance. En dehors de cette phobie annuelle, j'ai une vie parfaitement épanouie, une famille, une femme, des enfants et depuis peu des petits enfants. Tout va pour le mieux et tant bien que mal, sauf que je suis allergique, c'est épidermique, au moindre sapin, la plus petite guirlande, la plus infime boule. C'est plus fort que moi, irrationnel, je n'y peux rien et j'en souffre beaucoup.
Il paraît qu'un traumatisme n'existe que parce qu'il vient en réveiller un plus ancien. Peut-être que ce qui s'est passé d'horrible ce Noël 2011, me renvoie directement à cet instant lorsque petit, vulnérable et à terre, j'ai saisi la main de mon père pour qu'il me protège, pour qu'il empêche que je sois piétiné. En serrant sa main, j'ai remarqué qu'à travers nos gants, elle paraissait molle, sans force ni vitalité. Il faut imaginer la scène. Tous ces pieds gangrenés par le froid qui trépignent, piétinent, avec au milieu un nain malmené, bousculé par le mouvement de la foule qui se serre pour trouver un peu de chaleur, mais considère chacun de ses membres comme susceptible de lui piquer la place. Et il faut m’imaginer, moi, petit et vulnérable au milieu de la cohue. J'aurais pu mourir écrasé, et mon père n'a rien fait d'autre que me tendre cette main impuissante.
Après des heures d'attente et d'esquives nous avons finalement eu notre sapin. Un des derniers sapins en vente. Un sapin malingre, décharné, rachitique. Un sapin de looser à l'image de notre famille, à l'image de mon père et de l'avenir qui s'offrait à nous, pauvres mouflets livrés à un horizon bouché, un monde sordide et impitoyable pour ceux qui, comme nous, sont nés sous le signe de la mouise, la guigne, la poisse. Notre procession reprit forme, mais cette fois en traînant, tant bien que mal, notre asperge de Noël. Mon père portait le tronc, mes frères soulevaient difficilement la pointe. Il était long et filiforme notre sapin, avec un tronc tout tordu et très peu d'épines sur ses branches. Ils avançaient le faisant traîner à moitié sur le sol. Il aurait été possible de nous suivre à la trace, à la longue traînée que nous laissions dans la neige.
Nous avancions difficilement dans le blizzard avec néanmoins un peu de chaleur au fond du cœur. En effet, tout semblait s’arranger : nos parents ne nous avaient pas abandonnés, nous avions trouvé un sapin, certes piteux mais un sapin tout de même, Maman aurait un bon d’achat lorsque nous le ramènerions, et surtout le réveillon se mettait en branle, ce qui nous laissait espérer des cadeaux. Bref, tout n'était pas perdu. Non, tout n'était pas perdu puisque nous étions saufs. C'est ce que nous avons compris lorsque nous sommes rentrés. Maman a presque réussi à feindre la surprise et la joie, lorsqu'elle a aperçu notre grand et squelettique sapin, un arbre de crise, un comme le méritent les familles fauchées.
17 Quoiqu'il en soit, momentanément fier de lui, mon père a sorti les décorations et nous avons tenté de faire une beauté à notre biaffré de Noël. Les plus belles boules, celles qui se transmettent de génération en génération, Maman les avait déjà portées au clou avec ses bijoux et la ménagère en argent. Ne nous restaient que les moches. De plus, le tout était harnaché d'une guirlande dorée ayant perdu presque tous ses poils. Les branches du sapin desséchées penchaient dangereusement dans le vide. Au pied gisaient encore des aiguilles tombées dans la bataille. Bref, notre sapin n'était absolument pas beau.
Mon frère aîné qui avait déjà atteint l’âge de raison, en voyant le tableau soupira : “Pffff, c’est ridicule !”. Mon père qui l’avait atteint également, lui retourna une violente taloche. Mon deuxième frère éclata de rire. Ma mère fondit en larmes. Mon frangin à la baffe aussi, mais de vexation. Ma sœur que rien n’a jamais découragé, entreprit de se lancer dans la création de décorations. Elle proposa même l’activité à toute la famille. Guirlandes de coquillettes multicolores peintes à la main, guirlandes de pop-corn, petits anges en carton découpés, petits cadeaux vides mais emballés et pendouillant... Franchement, rien de très esthétique ni de bien réjouissant. Cependant, comme n’a cessé de le répéter ma sœur, comme si elle essayait de rattraper la situation, ou comme si elle tentait de s’en persuader en nous le disant : “Au moins ça vient du coeur, et puis nous l’aurons fait tous ensemble !”.
Ma mère tellement sensible a été émue, j’en suis sûr. Que mon père ait été touché, je me plais à penser que oui, même si c’est dur de savoir. C’est que cet homme était tellement fermé, car trop maltraité par la vie que c’est difficile à dire. Dans le fond, il était brave, sauf qu’il ne savait rien laisser paraître d’autre que l'agacement, la colère, ou son désarroi. Sans doute culpabilisait-il beaucoup ? Et le reconnaître fut insupportable pour son amour propre. Mes frères eux, en bons trublions, se sont fait un plaisir de saboter l’ouvrage, ainsi que le bel enthousiasme de ma sœur. Ils ne pensaient pas à mal, enfin je crois. Il s’agissait seulement, comme toutes les conneries qu’ils ont pu faire, de leur manière d’exister. Ils auraient pu, c’est vrai, se faire connaître pour leurs bonnes actions, sauf que les bonnes actions personne ne les remarque guère, alors que les conneries... Bref, en tout cas, c’est grâce à eux que j’ai appris que le sexe des anges est mal dessiné.
Ce qu’avaient mes frères dans le crâne en faisant cela ? Nul ne le sait. Même eux, ne le savent sans doute pas. Envie de provoquer ou de tout gâcher ? Peut-être pensaient-ils nous faire rire ? Ou avaient-ils simplement  besoin d’attention ? Quoiqu’il en soit, ils ont réussi leur effet. Sur chaque petit ange confectionné par ma sœur, ils ont dessiné une bite, des bites mal dessinées, à la va vite, comme celles des graffitis ! Ma soeur a été profondément blessée. Elle qui faisait tant d’efforts pour insuffler un semblant d’esprit de Noël dans cette famille délabrée, a pris cet affront comme la pire des trahisons. De toutes les vacheries que mes frangins ont pu lui faire, c’est la seule qui l’a décontenancée à ce point. Dépitée, le plus profond mépris a empli son regard et ses traits se sont figés en une expression indéfinissable, au point que mes frères ont été stoppés net dans leur fou rire.
Mon père, à la main d’habitude si leste, est resté sidéré. En temps normal, ceci leur aurait valu une torgnole phénoménale, mais il n’en a rien été. Il est resté immobile, les bras ballants. Comme sous le choc, abasourdi, résigné, pataugeant en pleine incompréhension. Comme si l’incident venait de dépasser toute limite et qu’il signait la reddition de l’autorité paternelle devant deux épouvantables garnements âgés de moins de dix ans. Un silence immuable s’est donc érigé dans la pièce. Même ma mère pétrifiée d’effroi n’a pas fondu en larme. Le temps s’est suspendu, comme si tous étions devenus des statues, ou pire comme si nous appartenions désormais à une peinture, comme si nous étions prisonniers d’une toile peinte par un esprit tordu, l’oeuvre d’un fou qui au centre d’une scène improbable aurait placé un stupide et ridicule sapin.
Seul moi devait bouger imperceptiblement, ou plutôt seule ma tétine, propulsée par mes réflexes de succions, devait bouger à peine. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Certainement pour rompre ce silence pesant, ou peut-être parce que j’étais fier d’avoir découvert un nouveau mot. Le dernier mot entendu avant que l’atmosphère ne se glace, un mot certainement prononcé par un de mes deux frères en train de reproduire le désastre à la chaîne. Je ne sais pas si c’était intentionnel ou non, mais quoiqu’il en soit, j’ai remis le temps en marche. En tirant sur ma tétine, et en prononçant le mot “bite ”, j’ai remis mon père sur les rails de notre dimension. “Bite !” j’ai dit bien fort et plutôt fier de moi, ce qui a produit l’effet qui ne s’est pas fait attendre : j’ai pris la taloche, une violente taloche qui m’a projetée au sol. Puis, mon père a beuglé, un cri animal nous priant de nous précipiter sur le champ dans nos chambres, à moins de vouloir assister à son explosion. Bien entendu, c’est ce que nous fîmes.
Après le temps s’est arrêté à nouveau. Consignés dans nos chambres, l’appartement était étrangement silencieux, comme après une catastrophe. Mes parents ne se parlaient pas. Juste par intermittence, nous entendions les sanglots réfrénés de ma sœur. C’est sûr, avec mes frères nous avions déconné, enfin surtout mes frères, parce que moi, je n’étais pas conscient du mal ! Enfin, je crois... Mes frères, non plus, ne faisaient pas les malins. Réfugiés dans un coin de la pièce, ils échangeaient des messages sur une feuille de papier. Ils avaient l’air grave, sérieux, pour une fois vraiment secoués par leur bêtise. La maisonnée est restée longtemps comme ça, dans une ambiance de calme après la tempête. Un calme étrange dans un silence pesant et inhabituel. Tant et si bien que je me suis enfoncé dans le sommeil.
Lorsque je me suis réveillé, ou plutôt, lorsque j’ai été réveillé, j’avais une main posée sur la bouche. Il faisait nuit noire. En ouvrant les yeux, dans la lumière de la veilleuse, j’ai aperçu mes frères penchés au-dessus de mon lit. Ils me regardaient. L’un deux a posé son index sur ses lèvres pour me signifier de ne pas faire de bruit. “Tu vas venir avec nous” a murmuré l’autre, doucement mais fermement. Je n’ai pas compris. Ils ont changé ma couche, et m’ont habillé chaudement. Tout se passait comme s’ils avaient répété leur plan pour qu’il se déroule à la perfection. A leur façon de faire, on comprenait qu’ils ne souhaitaient pas laisser la moindre place au doute, qu’ils avaient savamment calculé leur opération. On sentait qu’ils ne fonctionnaient pas à l’instinct, ce qui différait totalement de leur mode opératoire habituel. Ça m’a fait peur !
L’instant d’après, je me suis retrouvé dehors, assis sur le traîneau. Il faisait nuit noire. Il faisait  très froid aussi. Heureusement mes frangins qui avaient vraiment bien prévu leur affaire, m’avaient habillé chaudement. Alors qu’ils me traînaient vers une destination inconnue, l’un de mes frères, le plus âgé bougonna : - T’es vraiment sûr qu’il fallait prendre le petiot avec ? - Ouais, je suis sûr ! L’honneur des hommes de la famille est en jeu, et à ce que je sache, c’est un homme de la famille, lui répondit sèchement le plus jeune. Je ne comprenais pas ce que je faisais là. Il était tard. Il faisait nuit. J’étais dehors dans le froid, tiré sur traîneau par mes frères, et ne savais absolument pas où nous allions. Le vent était encore plus glacial que le matin, et on aurait dit que le paysage avait disparu sous la neige. Il n’y avait aucun bruit et je n’en menais pas large. Au bout d’un moment, j’ai tout de même demandé : “On va où ? On retourne au pôle nord ?” Mes frères ne m’ont pas répondu. Ils ont continué à tirer mon attelage sur plusieurs kilomètres. Parfois le plus âgé posait une question et le plus jeune lui répondait sans hésiter : - T’es vraiment sûr qu’il y a ça là-bas ? - Oui ! Sûr de chez sûr ! - Moi, j’en ai pas vu quand on y était. T’es sûr qu’il y en a ? - Mais putain ! Puisque je te dis que oui ! - Moi, je suis prêt à te faire confiance, mais je crois que tu mythonnes. - Moi, je mythonne ? Et tu crois que c’est pour le plaisir que je me pèle le cul dans le froid ?
Nous avancions ainsi vers une destination que je ne connaissais pas. Tout ce que je savais c’est qu’en tant que mâle de la famille, je devais être là. Inconsciemment, et quoi que nous allions faire, je crois que je savais que nous allions chercher réparation de notre connerie de la journée. Et si j’étais là, c’est parce que j’avais aussi ma part de responsabilité. Après tout, c’est moi qui avait fâché notre père en répétant “bite” à plusieurs reprises.
Le chemin a paru comme une éternité, voire deux. Dans cette nuit noire, obscure, profonde, on n’y voyait quelque chose que grâce à des rayons de lune se reflétant sur l’épais tapis neigeux. Les sons aussi étaient particuliers, comme étouffés par la neige : le craquement des pas, les voix en sourdine, le traîneau glissant tout droit... Et surtout personne, excepté trois gamins avançant seuls dans la cité. Nous étions enfants, inconscients du danger, à moins que nous fussions de valeureux guerriers à la motivation inaltérable. Et puis nous connaissions ces rues, le jour elles étaient notre terrain de jeu, donc nous n’avions pas peur... Et de toute façon, c’était un temps à ne pas mettre un dealer ou un flic dehors. Tels trois compères, trois complices, nous nous apprêtions à commettre notre plus gros coup de délinquants juvéniles.
Enfin, nous sommes arrivés dans un drôle d’endroit. Un endroit que mes frangins semblaient connaître, mais moi pas. Un grand chapiteau bariolé que nous avons contourné, nous faisait front. Ensuite, un dédale de cages devant chacune desquelles, je n’avais de cesse de m’étonner. Pointant du doigt, véritablement émerveillé, je  m’écriais : “lion”, “singe”, “girafe”, “éléphant”... Mon frère aîné, toujours aussi sceptique, ronchonnait : “Je suis quasiment sûr qu’on ne trouvera pas de dinde dans un cirque... Je te dis et j’en suis sûr qu’il n’y a pas de dinde dans les cirques... Je n’ai jamais vu de dinde dans un cirque, et s’il y avait des dindes dans les cirques, ça se saurait !”. Mon frère cadet se contenta de lui répondre : “T'inquiète, je sais où trouver quelque chose qui fera l’affaire ! Suivez moi et taisez-vous...”.
Ensuite, nous sommes arrivés devant un grand enclos. Mes frères m’ont fait passer par-dessus, ainsi que le traîneau. Puis, ils ont escaladé la barrière, et nous avons avancé de quelques pas, jusqu’à nous retrouver nez à nez avec la bête, une bestiole immense et effrayante ! Un truc de dingue ! Un monstre d’au moins deux mètres de haut  ! Un truc impossible à terrasser pour des chevaliers en redingote. D’une voix tremblante d’émotion, réellement effrayé ou stupéfait de s’être laissé embobiné, entraîné une fois de plus dans un plan foireux, mon frère aîné à lâché : - Ça... Alors ça, c’est pas une dinde et ça va vraiment pas le faire ! - Lance lui le petit, a simplement répondu l’autre... Et on assure derrière ! Il a tout de même ajouté.
Bien entendu, mon frère m’a poussé. Piètre Saint Michel devant le dragon, puisque j’étais homme de la famille, mon rôle était de servir d'appât ! A n’en point douter, le destin, à moins que ce ne soient mes frères, était encore une fois cruel avec moi. Affolé, impuissant, face au monstre, je l’ai regardé se cabrer comme pour prendre de l’élan, puis furieux, je l’ai vu me foncer dessus la gueule en avant... Effrayant, je vous dis ! Heureusement, il n’a pas eu le temps de m’atteindre, car mes frères tels deux gangsters que tout prédisposait à une brillante carrière dans le crime organisé, lui ont sauté dessus. Un au cou et l’autre aux pattes, ils ont réussi à faire choir la bête au sol.
En moins de temps qu’il ne le faut pour l’écrire, cette dernière fut ligotée, assommée, saucissonnée et ficelée au traîneau. Nous pûmes alors emprunter le chemin inverse, mais cette fois victorieux, moi trônant triomphalement sur la bête vaincue et momentanément dans le cirage. Mes frères eux, allèrent fanfaronnant et chantant à tue-tête. Pour sûr, notre cortège avait bien meilleure allure que celui de mon père et son misérable sapin.
C’est sûr, notre surprise fit sensation ! Le matin, alors que, éreintés de notre expédition nocturne, nous nous ressourcions en dormant du sommeil du juste, nous fûmes tirés de nos rêves de grandeur par les cris effrayés de ma mère, suivis de peu par ceux de mon père : - Mais putain ! C’est quoi ce bordel ? - Papa ? Pourquoi il y a une autruche dans le salon ? s’esclaffa ensuite ma sœur. - Va falloir demander ça à tes frères... répondit-il surpris. - Je crois que je vais m’évanouir, dit alors ma mère.
Effectivement, tenue en laisse et attachée au radiateur, il y a avait bien, bâillonnée par un gros flot rouge, une autruche dans le salon. Comme promis ma mère s’évanouit, au même moment que moi et mes frères pénétrâmes dans le salon en criant : “Joyeux Noël à tous !”. De mémoire, il me semble que moi j’ai dit “bite”, mais dans l’étonnement général personne ne sembla y prêter attention. Sommés de s’expliquer sur leur acte, mes deux lascars de frangins se justifièrent en disant que nous sachant très pauvres, pauvres au point de ne pouvoir s’offrir un repas digne des fêtes de fin d’année, et tenant malgré tout à s’excuser pour leur bêtise de la veille, plutôt que d’aller voler un cadeau à chacun, et une dinde s’avérant trop difficile à sortir sous le manteau, ils avaient néanmoins décidé d’offrir un somptueux repas à toute la famille. Ainsi, l’autruche se rapprochant le plus du célèbre volatile de Noël, ils avaient décidé, bravant l’interdit et le danger, d’aller chercher celle qu’ils avaient entrevue au cirque voisin. - Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda ma mère à peine revigorée. - On va la bouffer pardi ! jubila mon paternel, les yeux rutilants et les babines retroussées. - Mais va falloir la tuer ! remarqua ma sœur. - Aucun souci, dit mon père, j’imaginerai que c’est le banquier. - Je crois que je vais vomir ! déglutit  ma mère.   Christmas, fucking Christmas... Ne me parlez pas de Noël sinon je vois rouge, rouge comme un père Noël éviscéré, l'intestin grêle en guirlande. Un petit papa Noël rouge sang. Un macchabée de Noël barbotant dans une marre de sang, les entrailles en boudin et les tripes en Christmas pudding. Un Santa Claus aux os cisaillés comme ceux d'une dinde, et les testicules pendouillant aux branches du putain de sapin familial. Ainsi, voilà, comment lors d’une année de crise financière sans pareille, notre famille précaire n’a certes reçu aucun cadeau, mais à fort bien mangé le jour de Noël. Et moi, d’où vient mon traumatisme ? Et bien, soit-disant parce que ça serait bon pour moi, et pour soigner mon anémie, mon père m’a fait boire un plein verre de sang chaud... qu’il a rempli, devant moi, directement au cou de la bête.


La decepción de Nawel
 Una historia magistralmente escrita por Vincent Bernard e ilustrada por Jeff Roland

 
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Navidad, maldita Navidad ... No me hables de la Navidad, de lo contrario veo rojo, rojo como un Papá Noel destripado, el intestino delgado en una guirnalda. Un papi navideño rojo sangre. Una Navidad rígida, chapoteando en un charco de sangre, entrañas en salchicha y tripas en pudín de Navidad. Un Papá Noel con huesos cortados como los de un pavo y testículos colgando de las ramas del puto árbol genealógico. Mi aversión se remonta a la Navidad de 2011, cuando sufrí este trauma violento que quedará grabado en mi memoria y que me hará odiar para siempre las vacaciones de fin de año. Aucun sapin, aucun cadeau, aucune bûche, aucun foie gras, aucune huître ou caviar, aucun traîneau, aucun renne ni lutin n'y pourront rien, je reste réfractaire à la magie, au grand désarroi de mon entourage résigné qui a appris à réveillonner sin mí.


Todavía era muy pequeño, alto como tres manzanas cuando esto me sucedió. Estaba por cumplir dos años, apenas dos, y sin embargo recuerdo ese invierno terrible, el frío punzante, la espesa alfombra de nieve que cubría mi vida y el hielo que congeló una economía ya paralizada. En resumen, ese tiempo sigue siendo terrible en mi memoria y no solo porque estuve a punto de morir varias veces ese año.

Mi padre era un trabajador que no trabajaba o trabajaba muy poco. Trabajaba siempre que encontraba trabajo, es decir, casi nunca. Mi madre también trabajaba poco, unas pocas horas al día. Un poco de limpieza aquí, un poco de planchado allá. A menudo se paga ilegalmente pero siempre con descuento. Tan poco apenas permitió a mis padres pagar las facturas que se amontonan como nieve en las aceras. A menudo, mi padre gritaba con la voz ronca de alguien que no puede soportarlo más. Al final de su cuerda, gritó que se sentía inútil; incapaces de mantenernos a nosotros mismos; que se sentía indigno y que su vida no valía nada; que ella estaba colgando de un hilo, para nosotros, sus putos hijos, que seguían creciendo y comiendo. Él estaba gritando eso, apuntándonos con el dedo. Entonces mi madre le decía que se detuviera, que estaba loco ...


Los niños aterrorizados temblaban, acurrucados en los brazos del otro. Mi padre daba mucho miedo con sus ojos saltones y sus grandes venas protuberantes. Era demasiado joven para comprender. Mis hermanos mayores y mi hermana también lucharon. Estaba bien obedecer a mamá y hacer un buen trabajo en la escuela. Por otro lado, nunca hemos encontrado ni cómo dejar de comer, ni cómo crecer.

Antes de las vacaciones, las crisis se intensificaron. Hay que decir que las disputas de mis hermanos no ayudaron en nada. Un día cuando toda la familia estaba en la sala, mi padre se desplomó en su silla y nos sentamos en el piso frente a catálogos de juguetes:

- ¡Tendré una tableta con pantalla táctil!

- Usted ? No tendrás que preocuparte, lo redoblas.

- ¡Tampoco vas a conseguir nada porque somos pobres!

De repente mi padre, que fulminaba cada vez más por oír hablar de regalos sin cesar, se levantó de un salto y gritó con su aire más terrorífico, más loco, más desesperado:

- Desorden ! Para poder trabajar, primero tengo que comprarme un coche.

- Entonces que sueñen un poco, todavía son niños, respondió mi madre.

- Sí ! Bonito 4x4 con ruedas grandes, dijo uno de mis hermanos.


De modo que no había nada de alegre en la vida familiar. Fue incluso terrible, marcado por los ataques nerviosos de mi padre y los ataques de ansiedad de mi madre. No es fácil mantener el rumbo cuando para el día 15 del mes ya no tenemos un rábano, y tenemos que criar a cuatro niños perpetuamente hambrientos, ocupados creciendo y pidiendo constantemente juguetes, zapatillas de deporte de marca y más y más ''. que cuestan dinero que no tienes.

Entonces, a menudo, mi madre enterraba en sus manos las grandes ojeras que tenía debajo de los ojos y luego se echaba a llorar, sollozos quejumbrosos, espasmos llenos de dolor audible, quejas tan improvisadas como repetidas. Las cosas iban de mal en peor. Mi padre siempre estuvo más irritable y mi madre siempre más deprimida. ¡Entonces algo tenía que suceder y algo sucedió!


Mi hermana me contó que un sábado por la mañana mi padre le pidió a mi madre que vistiera a los niños abrigadamente, porque quería llevarnos a caminar. Yo, a los 2 años, debí estar encantada de que mi madre se pusiera mi pasamontañas para ir a jugar afuera. Por otro lado, mi hermana, que conocía la historia de Petit Poucet, estaba menos tranquila. De hecho, temía que los padres, al agotarse sus fuerzas, se resignaran a abandonarnos en la nieve.
Afuera, tomó forma una extraña procesión. En los puestos de avanzada mi padre avanzó encorvado. De alguna manera trató de bloquear el viento helado de la tropa que lo seguía en fila india. Lo seguimos en silencio, sin saber si ser felices o tener miedo. Solo yo, demasiado joven, cálido en los brazos de mi hermana, parecía feliz de atrapar grandes copos con la punta de mi lengua.

Caminamos penosamente por la espesa alfombra de nieve. Tenías que levantarte las botas para dar un solo paso doloroso. A veces, fragmentos de frases volaban al mismo tiempo que las respiraciones humeantes:

- En el bosque ?

- No, eres estúpido, ¡un hogar de acogida!



Mi padre a la cabeza no dijo nada. Avanzaba como un caballo de tiro cansado, un jabalí astuto, falto de garbo e incapaz de motivar a sus tropas.

Hay que decir que no estábamos iniciando. Excepto quizás yo, que me divertía recogiendo nieve con mis guantes para esparcirla sobre la cara agrietada de mi hermana.

La anciana de la noche, los gritos de mis padres habían sido más terribles de lo habitual:

"Es una locura", dijo mi madre.

- No hay elección, tenemos que hacerlo, respondió mi padre.

Toda la noche los escuchamos conspirar así.

Después de dejar el barrio, caminamos por la interminable autovía. En los autos que apenas iban más rápido de lo que íbamos caminando, la cálida gente de la cabina nos miraba como bichos raros. ¿Quizás mi padre realmente lo era? Quizás yo también, porque aún hoy, de todos modos y después de horas de viaje, recuerdo que llegamos al Polo Norte.



El pueblo de Papá Noel parecía un enorme edificio azul adornado con letras ocres. Había un mar de coches, así como una enorme fila de personas que saltaban y esperaban para percibir un árbol. Siendo el principio de precaución un reflejo que se adquiere temprano, mi hermana frustró un plan maquiavélico al declinar, para disgusto de mis hermanos, la propuesta de mi padre de ir a esperarlo a la piscina de bolas.

Esperamos incluso más que en el banco de alimentos. La gente era aún más irascible, insaciable, hambrienta de sueños y festividades. Mi hermana, cuya espalda baja ya no aguantaba más, me puso en el suelo, y yo, el duende, casi me pisotea esta manada de renos frenéticos por la idea de un árbol casi libre, para ser cambiado por un voucher. compra, una vez finalizada la orgía de fin de año.


No me gusta la Navidad apestando a lujuria, también porque la gente podría matar o morir por esta ilusión de pompa, lujo, opulencia. Porque todos avivados por el crujir de un pavo cebado demasiado rápido, se apresuran a que les rellenen el culo, que se hinchen de castañas. La Navidad es solo una farsa de la que son las trufas. Y mi padre que quería hacer la voltereta en el medio era solo un capón. No estoy de mal humor de nacimiento. Aparte de esta fobia anual, tengo una vida perfectamente satisfecha, una familia, una esposa, hijos y nietos recientes. Todo va para bien y para bien o para mal, excepto que soy alérgico, es la piel, al árbol más pequeño, a la guirnalda más pequeña, a la bola más pequeña. Es más fuerte que yo, irracional, no puedo evitarlo y me duele mucho.


Parece que un trauma solo existe porque despierta a uno mayor. Quizás lo horrible que pasó esta Navidad de 2011, me remite directamente a este momento en que pequeño, vulnerable y en el suelo, agarré la mano de mi padre para que me proteja, para que no me pisoteen. Cuando apreté su mano, noté que a través de nuestros guantes, se veía flácida, sin fuerza ni vitalidad.

Tienes que imaginar la escena. Todos estos pies gangrenados por el frío que pisotean, pisotean, con en medio un enano maltrecho, empujado por el movimiento de la muchedumbre que aprieta para encontrar un poco de calor, pero que considera que cada uno de sus miembros puede picar su lugar. Y tienes que imaginarme, pequeño y vulnerable en medio del ajetreo y el bullicio. Podría haber muerto aplastado, y mi padre no hizo más que extenderme esa mano indefensa.


Después de horas de esperar y esquivar, finalmente obtuvimos nuestro árbol. Uno de los últimos árboles a la venta. Un abeto enfermizo, demacrado y desvencijado. Un árbol más suelto a imagen de nuestra familia, a imagen de mi padre y del futuro que nos esperaba, pobres muflones entregados a un horizonte bloqueado, un mundo sórdido y despiadado para quienes, como nosotros, nacieron bajo el signo de lentitud, mala suerte, mala suerte.
Nuestra procesión volvió a tomar forma, pero esta vez arrastrando nuestros espárragos navideños lo mejor que pudimos. Mi padre llevaba el baúl, mis hermanos apenas levantaban la punta. Nuestro árbol era largo y delgado, con un tronco retorcido y muy pocas espinas en sus ramas. Caminaron hacia adelante, lo que hizo que se arrastrara hasta la mitad del suelo. Habría sido posible seguirnos por el sendero, por el largo sendero que dejamos en la nieve.


Estábamos luchando a través de la ventisca con un poco de calor en el fondo de nuestros corazones. De hecho, todo parecía estar saliendo bien: nuestros padres no nos habían abandonado, habíamos encontrado un árbol, ciertamente lamentable, pero un árbol de todos modos, mamá tendría un vale cuando lo trajéramos, y especialmente la víspera de Año Nuevo se estaba hundiendo. camino. en movimiento, lo que nos dejó esperando regalos. En resumen, no todo estaba perdido.

No, no todo estaba perdido ya que estábamos a salvo. Esto es lo que entendimos cuando regresamos. Mamá casi logró fingir sorpresa y alegría cuando vio nuestro abeto alto y esquelético, un árbol de crisis, uno como el que merecen las familias en quiebra.


17

De todos modos, momentáneamente orgulloso de sí mismo, mi padre sacó las decoraciones e intentamos embellecer nuestro biaffre navideño.

Las bolas más hermosas, las que se pasan de generación en generación, ya las había llevado mamá hasta las uñas con sus joyas y el ama de casa de plata. Solo nos quedaban los feos. Además, el conjunto estaba enjaezado con una guirnalda dorada habiendo perdido casi todo su cabello. Las ramas marchitas del abeto se inclinaban peligrosamente hacia el vacío. Al pie todavía hay agujas caídas en la batalla. En resumen, nuestro árbol no era hermoso en absoluto.


Mi hermano mayor, que ya había alcanzado la edad de la razón, al ver la pintura suspiró: "¡Pffff, eso es ridículo!". Mi padre, que también lo había golpeado, le dio una violenta paleta. Mi segundo hermano se echó a reír. Mi madre se echó a llorar. Mi hermano también abofeteó, pero molesto. Mi hermana, a quien nada ha desanimado jamás, empezó a embarcarse en la creación de decoraciones. Incluso ofreció la actividad a toda la familia.

Guirnaldas de conchas multicolores pintadas a mano, guirnaldas de palomitas de maíz, pequeños ángeles recortados de cartón, pequeños obsequios vacíos pero envueltos y colgando ... Francamente, nada muy estético ni muy alentador. Sin embargo, como mi hermana repetía una y otra vez, como si estuviera tratando de compensar la situación, o como si estuviera tratando de persuadirse a sí misma diciéndonos: “Al menos viene del corazón, y luego lo haremos ¡lo habremos hecho todos juntos! ”.


Mi madre era muy sensible, estoy seguro. Me gusta pensar que mi padre se emocionó, aunque es difícil saberlo. Es porque este hombre era tan cerrado, porque la vida lo maltrataba demasiado, que es difícil saberlo. En el fondo, era valiente, excepto que no sabía cómo mostrar nada más que enojo, enojo o consternación. ¿Sin duda él hizo mucha culpa? Y reconocerlo era insoportable para su autoestima.

Mis hermanos, como buenos alborotadores, estaban felices de sabotear la obra, así como el gran entusiasmo de mi hermana. No estaban pensando mal, bueno, creo. Era, como todas las tonterías que podían hacer, la forma en que existían. Podrían haberse dado a conocer, es cierto, por sus buenas obras, salvo que las buenas obras nadie las advierte, mientras que la mierda ... En fin, en todo caso, es gracias a ellos que supe que el sexo de los ángeles es mal dibujado.


¿Qué estaba pasando con mis hermanos haciendo esto? Nadie lo sabe. Incluso probablemente ellos no lo sepan. ¿Quieres provocar o arruinarlo todo? ¿Quizás pensaron que nos estaban haciendo reír? ¿O solo necesitaban atención? De cualquier manera, tuvieron éxito en su efecto. En cada angelito hecho por mi hermana, le dibujaban una polla, pollas mal dibujadas, a toda prisa, ¡como las de los grafitis! Mi hermana estaba profundamente herida. Ella, que estaba tratando de inculcar una apariencia de espíritu navideño en esta familia en ruinas, tomó esta afrenta como la peor traición. De todas las charlas sucias que mis hermanos le han hecho, esta es la única que la desconcertó tanto. Molesta, el más profundo desprecio llenó su mirada y sus rasgos se congelaron en una expresión indefinible, hasta el punto de que mis hermanos se detuvieron en seco en sus risitas.


Mi padre, con su mano normalmente ágil, se quedó estupefacto. Normalmente, esto les habría valido un torgnole fenomenal, pero no fue así. Permaneció inmóvil, con los brazos colgando. Como en estado de shock, aturdido, resignado, forcejeando en completa incomprensión. Como si el incidente acabara de traspasar la línea y firmar la rendición de la autoridad paternal frente a dos espantosos sinvergüenzas menores de diez años.

Por tanto, un silencio inmutable se erigió en la habitación. Incluso mi aterrorizada madre no rompió a llorar. El tiempo se ha detenido, como si todo se hubiera convertido en estatuas, o peor como si ahora perteneciéramos a un cuadro, como si fuéramos prisioneros de un lienzo pintado por una mente retorcida, obra de un loco que en el centro de una escena improbable han colocado un árbol estúpido y ridículo.


Solo yo tenía que moverme imperceptiblemente, o más bien solo mi chupete, impulsado por mis reflejos de succión, apenas debía moverse. No sé qué me pasó. Ciertamente para romper este pesado silencio, o quizás porque estaba orgulloso de haber descubierto una nueva palabra. La última palabra escuchada antes de que la atmósfera se congelara, una palabra ciertamente pronunciada por uno de mis dos hermanos que reproduce el desastre en la cadena. No sé si fue intencional o no, pero de todos modos, volví a encender el reloj. Al ponerme el chupete y decir la palabra "polla", conseguí que mi padre volviera a encaminarse hacia nuestra dimensión. "¡Polla!" Dije en voz alta y bastante orgulloso de mí mismo, lo que tuvo el efecto que no tardó en llegar: tomé el flotador, un flotador violento que me tiró al suelo. Entonces mi padre bramó, un grito de animal suplicándonos que corriéramos a nuestras habitaciones de inmediato, a menos que quisiéramos presenciar su explosión. Por supuesto, eso es lo que hicimos.


Después, el tiempo se ha detenido de nuevo. Encerrado en nuestras habitaciones, el apartamento estaba extrañamente silencioso, como después de un desastre. Mis padres no se hablaban. De forma intermitente podíamos escuchar los sollozos reprimidos de mi hermana. Claro, con mis hermanos nos metimos, bueno, especialmente con mis hermanos, ¡porque yo no estaba al tanto del mal! Bueno, yo creo ...

Mis hermanos tampoco estaban jugando de manera inteligente. Refugiados en un rincón de la habitación, intercambiaron mensajes en una hoja de papel. Parecían serios, serios, por una vez realmente conmovidos por su estupidez. La casa permaneció así durante mucho tiempo, en un ambiente de calma después de la tormenta. Una calma extraña en un silencio pesado e inusual. Tanto es así que me hundí en el sueño.


Cuando desperté, o mejor dicho, cuando desperté, tenía una mano sobre mi boca. Estaba completamente oscuro. Cuando abrí los ojos, a la luz de la lamparita, vi a mis hermanos inclinados sobre mi cama. Me estaban mirando. Uno de ellos se llevó el dedo índice a los labios para decirme que no hiciera ningún ruido. “Vendrás con nosotros,” susurró el otro, suave pero firmemente. No he comprendido.

Me cambiaron el pañal y me vistieron bien. Era como si hubieran ensayado su plan para hacerlo perfecto. Su forma de hacer las cosas, entendimos que no querían dejar lugar a dudas, que habían calculado hábilmente su funcionamiento. Se notaba que no funcionaban por instinto, que era totalmente diferente de su modus operandi habitual. ¡Eso me asustó!


Al momento siguiente, me encontré afuera, sentado en el trineo. Estaba completamente oscuro. También hacía mucho frío. Afortunadamente, mis hermanos, que habían planeado muy bien su negocio, me habían vestido bien. Mientras me arrastraban a un destino desconocido, uno de mis hermanos mayores se quejó:

- ¿Estás realmente seguro de que tenías que llevar al bebé con él?

- ¡Si estoy segura! El honor de los parientes varones está en juego y, hasta donde yo sé, es un pariente, respondió secamente el más joven.

No entendí lo que estaba haciendo allí. Era tarde. Era de noche. Estaba afuera en el frío, en trineo por mis hermanos, y no tenía idea de adónde íbamos. El viento era aún más frío que por la mañana y parecía que el paisaje había desaparecido bajo la nieve. No había ruido y no estaba abriendo. Después de un tiempo, todavía pregunté: “¿A dónde vamos? ¿Volvemos al Polo Norte?

Mis hermanos no me respondieron. Continuaron tirando de mi equipo durante varios kilómetros. A veces el mayor le hacía una pregunta y el menor le contestaba sin dudarlo:

- ¿Estás realmente seguro de que está ahí?

- Sí ! ¡Seguro desde casa!

- No vi ninguno cuando estuvimos allí. ¿Estás seguro de que los hay?

- ¡Pero maldita sea! ¡Ya que te digo que sí!

- Yo, estoy dispuesto a confiar en ti, pero creo que estás mitificando.

- ¿Estoy mitologizando? ¿Y crees que es divertido que me pele el culo en el frío?

Así avanzábamos hacia un destino que no conocía. Todo lo que sabía era que, como hombre de la familia, tenía que estar allí. Inconscientemente, y fuera lo que fuese lo que íbamos a hacer, creo que sabía que íbamos a buscar una reparación por nuestra mierda del día. Y si estuve allí fue porque también tuve mi parte de responsabilidad. Después de todo, fui yo quien cabreó a nuestro padre al repetir "dick" una y otra vez.


El camino parecía una eternidad, si no dos. En esta noche oscura, oscura y profunda, solo se podía ver algo a través de los rayos de la luna que se reflejaban en la espesa alfombra de nieve. Los sonidos también eran peculiares, como sofocados por la nieve: el crujido de pasos, las voces apagadas, el trineo deslizándose en línea recta ... Y sobre todo nadie, excepto tres niños que caminaban solos por la ciudad. Éramos niños, ajenos al peligro, a menos que fuéramos guerreros valientes con una motivación inalterable. Y luego conocimos estas calles, de día eran nuestro patio de recreo, así que no teníamos miedo ... Y de todos modos, era el momento de no sacar a un traficante ni a un policía. Como tres cómplices, tres cómplices, estábamos a punto de cometer nuestro mayor golpe de delincuentes juveniles.


Finalmente, llegamos a un lugar divertido. Un lugar que mis hermanos parecían conocer, pero yo no. Una gran marquesina colorida por la que caminamos estaba frente a nosotros. Luego, un laberinto de jaulas frente a cada una de las cuales nunca dejé de asombrarme. Señalando con el dedo, realmente asombrado, grité: "león", "mono", "jirafa", "elefante" ... Mi hermano mayor, todavía tan escéptico, se quejó: "Estoy bastante seguro de que no encontraremos no hay pavo en un circo ... te lo digo y estoy seguro de que no hay pavo en un circo ... Nunca he visto un pavo en un circo, y si había pavos en los circos, eso sería conocido! ”. Mi hermano menor simplemente dijo: “¡No te preocupes, sé dónde encontrar algo que sirva! Sígueme y cállate ... ”.


Luego llegamos frente a un gran recinto. Mis hermanos se hicieron cargo de mí y del trineo. Luego treparon la barrera, y avanzamos unos pasos, hasta que nos encontramos cara a cara con la bestia, ¡una bestia enorme y aterradora! ¡Algo loco! ¡Un monstruo de al menos dos metros de altura! Algo imposible de derrotar para los caballeros de levita. Con una voz temblorosa por la emoción, genuinamente asustado o asombrado por haberse dejado engañar, arrastrado a un plan desordenado una vez más, mi hermano mayor soltó:

- Esto ... ¡Entonces esto no es un pavo y realmente no lo hará!

- Tírale el chiquito, el otro simplemente respondió ... ¡Y aseguramos detrás! Añadió de todos modos.


Por supuesto, mi hermano me empujó. ¡Pobre San Miguel frente al dragón, como yo era un miembro de la familia, mi papel era servir de cebo! Sin duda, el destino, a menos que fueran mis hermanos, fue una vez más cruel conmigo.

Angustiado, indefenso, frente al monstruo, lo vi levantarse como para ganar impulso, luego, furioso, lo vi correr hacia mí con la boca hacia adelante ... ¡Aterrador, te lo digo! Afortunadamente, no tuvo tiempo de comunicarse conmigo, porque mis hermanos, como dos gánsteres predispuestos a una carrera exitosa en el crimen organizado, se abalanzaron sobre él. Uno en el cuello y el otro en las piernas, lograron bajar a la bestia al suelo.
En menos tiempo del que se tarda en escribirlo, este último fue atado, dejado inconsciente, hackeado y atado al trineo. Entonces podríamos tomar el camino opuesto, pero esta vez victorioso, yo entronizado triunfalmente sobre la bestia derrotada y momentáneamente en el betún de zapatos. Mis hermanos, iban fanfarroneando y cantando a todo pulmón. Por supuesto, nuestra procesión se veía mucho mejor que la de mi padre y su miserable árbol.


¡Por supuesto, nuestra sorpresa causó sensación! Por la mañana, cuando agotados por nuestra expedición nocturna, descansábamos nuestros recursos durmiendo el sueño de los justos, fuimos sacados de nuestros sueños de grandeza por los gritos asustados de mi madre, seguidos poco después por los de mi padre:

- ¡Pero maldita sea! Qué es este desorden ?

- Padre ? ¿Por qué hay un avestruz en la sala de estar? mi hermana se rió a continuación.

- Tendrás que preguntarle eso a tus hermanos ... respondió sorprendido.

"Creo que me voy a desmayar", dijo entonces mi madre.


De hecho, sujeto con una correa y sujeto al radiador, había en efecto, amordazado por una gran inundación roja, un avestruz en la sala de estar. Como prometí, mi madre se desmayó, justo cuando mis hermanos y yo entramos en la sala de estar gritando: "¡Feliz Navidad a todos!". De memoria, me parece que dije "idiota", pero para sorpresa de todos, nadie pareció prestar atención.

Al pedirles que explicaran su acto, mis dos compañeros de hermanos se justificaron diciendo que sabiendo que somos muy pobres, pobres hasta el punto de no poder permitirnos una comida digna de las celebraciones de fin de año, y a pesar de todo piden disculpas por su Estupidez del día anterior, en lugar de ir a robarles un regalo a todos, y un pavo demasiado difícil de sacar bajo el manto, sin embargo habían decidido ofrecer una suntuosa comida a toda la familia. Entonces, el avestruz que más se acercaba al famoso pájaro navideño, habían decidido, desafiando la prohibición y el peligro, ir a buscar al que habían visto en el circo vecino.

- Qué vamos a hacer ? preguntó mi madre apenas renovada.

- ¡Nos lo vamos a comer por supuesto! jubiló mi padre, sus ojos brillaban y sus labios se fruncieron.

- ¡Pero tendremos que matarla! mi hermana se dio cuenta.

- No hay problema, dijo mi padre, asumiré que es el banquero.

- ¡Creo que voy a vomitar! mi madre tragó.

 

Navidad, maldita Navidad ... No me hables de la Navidad, de lo contrario veo rojo, rojo como un Papá Noel destripado, el intestino delgado en una guirnalda. Un papi navideño rojo sangre. Una Navidad rígida, chapoteando en un charco de sangre, entrañas en salchicha y tripas en pudín de Navidad. Un Papá Noel con huesos cortados como los de un pavo y testículos colgando de las ramas del puto árbol genealógico.

Así que ahí lo tienes, cómo en un año de crisis económica sin precedentes, nuestra precaria familia no recibió ningún regalo, pero comió muy bien el día de Navidad.
Y yo, ¿de dónde viene mi trauma?Bueno, supuestamente porque sería bueno para mí, y para curar mi anemia,, mi padre me hizo beber un vaso lleno de sangre tibia ... que llenó, frente a mí, directamente en el cuello de la bestia.


The Kissmas Countdown 
A masterfully written story by Vincent Bernard and illustrated by Jeff Roland

1

Christmas, fucking Christmas ... Don't tell me about Christmas otherwise I see red, red like an eviscerated Santa Claus, the small intestine in a garland. A little blood red Christmas daddy. A Christmas stiff, dabbling in a pool of blood, entrails in sausage and guts in Christmas pudding. A Santa Claus with sheared bones like a turkey's, and testicles dangling from the branches of the fucking family tree. My aversion dates back to Christmas 2011, when I suffered this violent trauma that will remain engraved in my memory, and which will make me hate the end of year holidays forever. No tree, no gift, no log, no foie gras, no oyster or caviar, no sled, no reindeer or elf will be able to do anything, I remain resistant to magic, to the dismay of my resigned entourage who have learned to wake up without me.


I was still very small, tall as three apples when this happened to me. I was about to be two years old, barely two, and yet I remember that terrible winter, the biting cold, the thick carpet of snow that blanketed my life, and the ice that froze an already crippled economy. In short, that time remains terrible in my memories and not only because I almost died several times that year.

My father was a worker who did not work or worked very little. He worked whenever he found work, that is to say almost never. My mother also worked little, a few hours a day. A little cleaning here, a little ironing there. Often paid illegally but always at a discount. So little barely allowed my parents to pay the bills that pile up like snow on the sidewalks. Often my father would yell with the hoarse voice of someone who can't take it anymore. At the end of his rope, he screamed that he felt useless; unable to support ourselves; that he felt unworthy and that his life was worth nothing; that she was hanging on by a thread, to us her fucking kids who kept growing and eating. He was screaming that, pointing his finger at us. My mother would then tell him to stop, that he was crazy ...


We terrified kids were shaking, curled up in each other's arms. My dad was really scary with his bulging eyes and big protruding veins. I was too young to understand. My older brothers and sister struggled too. It was okay to obey mom and do a good job at school. On the other hand, we have never found or how to stop eating, nor to grow taller.

Before the holidays, the crises intensified. It must be said that the bickering of my brothers had nothing to help matters. One day when the whole family was in the living room, my father slumped in his chair and we sat on the floor in front of toy catalogs:

- I will have a touchscreen tablet!

- You ? You won't have to worry, you redouble it.

- You won't get anything either because we're poor!

Suddenly my father, who was fuming more and more to hear about gifts endlessly, jumped up and bawled with his most terrifying, craziest, most desperate air:

- Mess ! In order for me to work, I first have to buy a car.

- So let them dream a little, it's still just kids, my mother replied.

- Yeah ! Nice 4x4 with big wheels, said one of my brothers.

So there was nothing joyful about family life. It was even terrible, punctuated by my father's nervous attacks and my mother's anxiety attacks. It's not easy to stay the course when by the 15th of the month we no longer have a radish, and we have to raise four perpetually hungry kids, busy growing up and constantly asking for toys, branded sneakers, and more and more. 'items that cost money that you don't have.

So, often, my mother buried the big dark circles she had under her eyes in her hands and then burst into tears, plaintive sobs, spasms filled with audible pain, complaints as impromptu as they were repeated. Things were going from bad to worse. My father was always more irritable and mother always more depressed. So something had to happen and something happened!


My sister told me that one Saturday morning, my father asked my mother to dress the kids warmly, because he wanted to take us for a walk. Me, at 2 years old, I must have been delighted that my mother put on my balaclava to go and play outside. On the other hand, my sister who knew the story of Petit Poucet was less reassured. Indeed, she feared that the parents at the end of their strength would resign themselves to abandoning us in the snow.

Outside, a strange procession took shape. In the outposts my father advanced bent. Somehow he tried to block the icy wind from the troop following him in single file. We followed him in silence, unsure whether to be happy or whether to be afraid. Only me, too young, warm in my sister's arms, seemed happy to catch large flakes with the tip of my tongue.

We trudged through the thick snow carpet. You had to lift your boots high to take a single painful step. Sometimes snatches of sentences flew at the same time as the steamed breaths:

- In the forest ?

- No, you're stupid, a foster home!



My father in the lead said nothing. He advanced like a tired draft horse, a shrewd nag, lacking in panache and unable to motivate his troops.

It must be said that we were not leading off. Except maybe me, who amused myself by collecting snow with my mittens to spread it on my sister's chapped face.

The old woman in the evening, the shouting of my parents had been more terrible than usual:

"It's madness," said my mother.

- No choice, we have to do it, replied my father.

All night long we heard them conspire like this.

After leaving the neighborhood, we walked along the endless expressway. In the cars barely going faster than we were walking, the warm people in the cabin looked at us like weirdos. Maybe my father really was? Maybe I am too, because even today, anyway and after hours of traveling, I remember that we arrived at the North Pole.



Santa Claus' village looked like a huge blue building adorned with ocher letters. There was a sea of ​​cars, as well as a huge line of people hopping and waiting to perceive a tree. The precautionary principle being a reflex that is acquired early, my sister thwarted a Machiavellian plan by declining, to the chagrin of my brothers, my father's proposal to go and wait for him in the ball pool.

We waited even longer than at the food bank. The people there were even more irascible, insatiable, hungry for dreams and festivities. My sister, whose lower back could not bear it any longer, put me on the ground, and I, the goblin, almost got trampled by this herd of reindeer frantic by the idea of ​​a tree almost free, to be exchanged for a voucher. purchase, once the year-end orgy is over.


I don't like Christmas stinking with lust, also because people would be able to kill or die for this illusion of pomp, luxury, opulence. Because all fanned by the crackling of a fattened turkey too quickly, rush to get their ass stuffed, to be swollen with chestnuts. Christmas is just a farce of which they are the truffles. And my father wanting to do the cartwheel in the middle was just a capon. I am not cranky from birth. Apart from this annual phobia, I have a perfectly fulfilled life, a family, a wife, children and recently grandchildren. Everything is going for the best and somehow, except that I am allergic, it is skin, to the smallest tree, the smallest garland, the tiniest ball. It's stronger than me, irrational, I can't help it and it hurts a lot.

It seems that a trauma only exists because it awakens an older one. Maybe what horrible happened this Christmas 2011, sends me directly to this moment when small, vulnerable and on the ground, I grabbed the hand of my father so that he protects me, so that it prevents me from being trampled. As I squeezed her hand, I noticed that through our gloves, she looked limp, without strength or vitality.

You have to imagine the scene. All these feet gangrened by the cold which stamp, trample, with in the middle a battered dwarf, jostled by the movement of the crowd which squeezes to find a little warmth, but considers each of its members as likely to sting its place. And you have to imagine me, small and vulnerable in the middle of the hustle and bustle. I could have died crushed, and my father did nothing but extend that helpless hand to me.


After hours of waiting and dodging we finally got our tree. One of the last trees on sale. A sickly, gaunt, rickety fir tree. A looser tree in the image of our family, in the image of my father and of the future that awaited us, poor mouflets delivered to a blocked horizon, a sordid and ruthless world for those who, like us , were born under the sign of sluggishness, bad luck, bad luck.

Our procession took shape again, but this time dragging our Christmas asparagus as best we could. My father carried the trunk, my brothers hardly lifted the point. Our tree was long and skinny, with a twisted trunk and very few thorns on its branches. They walked forward causing him to drag halfway across the floor. It would have been possible to follow us on the trail, on the long trail that we left in the snow.


We were struggling through the blizzard with a little warmth at the bottom of our hearts. Indeed, everything seemed to be working out: our parents had not abandoned us, we had found a tree, certainly pitiful but a tree all the same, Mum would have a voucher when we brought it back, and especially New Year's Eve was getting under way. in motion, which left us hoping for gifts. In short, all was not lost.

No, all was not lost since we were safe. This is what we understood when we returned. Mom almost managed to feign surprise and joy when she saw our tall, skeletal fir tree, a crisis tree, one like broke families deserve.


17

Anyway, momentarily proud of himself, my father took out the decorations and we tried to make a beauty to our Christmas biaffre.

The most beautiful balls, those which are passed on from generation to generation, Mum had already worn them to the nail with her jewelry and the silver housewife. We only had the ugly ones left. In addition, the whole was harnessed with a golden garland having lost almost all of its hair. The withered branches of the fir bent dangerously into the void. At the foot still lay needles fallen in the battle. In short, our tree was absolutely not beautiful.

My older brother who had already reached the age of reason, seeing the painting sighed, “Pffff, that’s ridiculous!”. My father, who had hit him too, gave him a violent trowel. My second brother burst out laughing. My mother burst into tears. My brother slapped too, but annoyed. My sister, whom nothing has ever discouraged, began to embark on the creation of decorations. She even offered the activity to the whole family.

Garlands of multicolored hand-painted shells, popcorn garlands, small cut-out cardboard angels, small empty but wrapped and dangling gifts ... Frankly, nothing very aesthetic or very encouraging. However, as my sister kept saying over and over again, as if she was trying to make up for the situation, or as if she was trying to persuade herself of it by telling us: “At least it comes from the heart, and then we do. will have done all together! ”.


My mother was so sensitive, I am sure. That my father was touched, I like to think so, although it's hard to know. It’s because this man was so closed, because he was too mistreated by life that it’s hard to tell. Deep down, he was brave, except he didn't know how to show anything other than annoyance, anger, or his dismay. No doubt he made a lot of guilt? And to recognize him was unbearable for his self-esteem.

My brothers, like good troublemakers, were happy to sabotage the work, as well as the great enthusiasm of my sister. They weren't thinking badly, well I think. It was just, like all the bullshit they could do, the way they existed. They could have, it's true, made themselves known for their good deeds, except that good deeds nobody notices them, while the bullshit ... In short, in any case, it is thanks to them that I learned that the sex of angels is poorly drawn.


What was going on with my brothers doing this? Nobody knows. Even they probably don't know it. Want to provoke or ruin everything? Maybe they thought they were making us laugh? Or did they just need attention? Either way, they succeeded in their effect. On each little angel made by my sister, they drew a dick, badly drawn dicks, in a hurry, like those in graffiti! My sister was deeply hurt. She, who was trying so hard to instill a semblance of Christmas spirit in this dilapidated family, took this affront as the worst betrayal. Of all the dirty talk my brothers have done on her, this is the only one that baffled her so much. Annoyed, the deepest contempt filled her gaze and her features froze in an indefinable expression, to the point that my brothers were stopped dead in their giggles.


My father, with his usually nimble hand, was dumbfounded. Normally this would have earned them a phenomenal torgnole, but it wasn't. He remained motionless, his arms dangling. As if in shock, stunned, resigned, floundering in complete incomprehension. As if the incident had just passed all line and signed the surrender of fatherly authority in front of two ghastly bastards under ten years old.

An unchanging silence therefore erected in the room. Even my terrified mother didn't burst into tears. Time has stood still, as if all had become statues, or worse as if we now belonged to a painting, as if we were prisoners of a canvas painted by a twisted mind, the work of a madman who in center of an improbable scene would have placed a stupid and ridiculous tree.


Only me had to move imperceptibly, or rather only my pacifier, propelled by my sucking reflexes, should barely move. I do not know what happend to me. Certainly to break this heavy silence, or perhaps because I was proud to have discovered a new word. The last word heard before the atmosphere froze, a word certainly uttered by one of my two brothers reproducing the disaster on the chain. I don't know if it was intentional or not, but anyway, I turned the clock back on. By pulling on my pacifier, and saying the word "cock," I got my dad back on track to our dimension. “Cock!” I said loudly and quite proud of myself, which had the effect that didn't take long to wait: I took the float, a violent float that knocked me to the ground. Then my father bellowed, an animal cry begging us to rush to our rooms immediately, unless we wanted to witness his explosion. Of course, that's what we did.

Afterwards time has stopped again. Locked in our rooms, the apartment was strangely silent, as after a disaster. My parents did not speak to each other. Just intermittently we could hear my sister's suppressed sobs. Sure, with my brothers we messed around, well especially my brothers, because I was not aware of the evil! Well, I believe...

My brothers weren't playing smart either. Refugees in a corner of the room, they exchanged messages on a sheet of paper. They looked serious, serious, for once really shaken by their stupidity. The household stayed like that for a long time, in an atmosphere of calm after the storm. A strange calm in a heavy and unusual silence. So much so that I sank into sleep.


When I woke up, or rather, when I woke up, I had a hand over my mouth. It was pitch black. As I opened my eyes, in the light of the nightlight, I saw my brothers leaning over my bed. They were looking at me. One of them put his index finger to his lips to tell me not to make a sound. “You will come with us,” the other whispered, softly but firmly. I did not understand.

They changed my diaper, and dressed me warmly. It was as if they had rehearsed their plan to make it perfect. Their way of doing things, we understood that they did not want to leave any room for doubt, that they had skilfully calculated their operation. You could tell they weren't running on instinct, which was totally different from their usual modus operandi. It scared me!


The next moment I found myself outside, sitting on the sled. It was pitch black. It was very cold too. Fortunately my brothers who had planned their business really well, had dressed me warmly. As they dragged me to an unknown destination, one of my older brothers grumbled:

- Are you really sure you had to take the baby with it?

- Yeah, I'm sure! The honor of the male relatives is at stake, and as far as I know he is a relative, the younger replied dryly.

I didn't understand what I was doing there. It was late. It was dark. I was out in the cold, sledged by my brothers, and had no idea where we were going. The wind was even colder than in the morning, and it looked like the landscape had disappeared under the snow. There was no noise and I was not leading off. After a while I still asked, “Where are we going? Shall we go back to the North Pole? ”

My brothers did not answer me. They continued to pull my team for several kilometers. Sometimes the older one would ask a question and the younger one would answer him without hesitation:

- Are you really sure it's over there?

- Yes ! Safe from home!

- I didn't see any when we were there. Are you sure there are?

- But damn! Since I'm telling you yes!

- Me, I'm ready to trust you, but I think you are mythologizing.

- I am mythologizing? And do you think it's for fun that I peel my ass in the cold?


We were thus advancing towards a destination that I did not know. All I knew was that as a male in the family, I had to be there. Subconsciously, and whatever we were going to do, I think I knew we were going to seek redress for our bullshit of the day. And if I was there, it was because I also had my share of responsibility. After all, I was the one who pissed off our father by repeating “dick” over and over.


The path seemed like an eternity, if not two. In this dark, dark, deep night, you could only see something through the rays of the moon reflecting off the thick snow carpet. The sounds were also peculiar, as if stifled by the snow: the creaking of footsteps, the muted voices, the sleigh sliding straight ahead ... And above all no one, except three kids walking alone in the city. We were children, oblivious to danger, unless we were valiant warriors with unalterable motivation. And then we knew these streets, by day they were our playground, so we weren't afraid ... And anyway, it was a time not to put a dealer or a cop out. Like three accomplices, three accomplices, we were about to commit our biggest blow of juvenile delinquents.

Finally, we came to a funny place. A place my brothers seemed to know, but I didn't. A large colorful marquee that we walked around stood in front of us. Then, a maze of cages in front of each of which I never ceased to be amazed. Pointing my finger, truly amazed, I cried out: “lion”, “monkey”, “giraffe”, “elephant” ... My older brother, still so skeptical, grumbled: “I'm pretty sure we won't find no turkey in a circus ... I'm telling you and I'm sure there is no turkey in a circus ... I've never seen a turkey in a circus, and if he there were turkeys in the circuses, that would be known! ”. My younger brother just said, “Don't worry, I know where to find something that will do! Follow me and shut up ... ”.


Then we arrived in front of a large enclosure. My brothers took me over and the sleigh. Then, they climbed the barrier, and we took a few steps forward, until we came face to face with the beast, a huge and frightening beast! Something crazy! A monster at least two meters tall! Something impossible to defeat for knights in frock coats. In a voice trembling with emotion, genuinely scared or amazed at having let himself be bamboozled, dragged once again into a messed up plan, my older brother blurted out:

- This ... So this is not a turkey and it really won't do it!

- Throw him the little one, the other simply replied ... And we assure behind! He added all the same.


Of course, my brother pushed me. Poor Saint Michael in front of the dragon, since I was a member of the family, my role was to serve as bait! No doubt fate, unless it was my brothers, was once again cruel to me.

Distraught, helpless, facing the monster, I watched it rear up as if to gain momentum, then furious, I saw it run into me with its mouth forward ... Scary, I tell you! Fortunately, he didn’t have time to reach me, because my brothers, like two gangsters predisposed to a successful career in organized crime, jumped on him. One on the neck and the other on the legs, they managed to bring the beast down to the ground.


In less time than it takes to write it, the latter was tied up, knocked unconscious, hacked up and tied to the sled. We could then take the opposite path, but this time victorious, me enthroned triumphantly over the defeated beast and momentarily in the shoe polish. My brothers, they went swaggering and singing at the top of their lungs. Of course, our procession looked much better than that of my father and his miserable tree.


Of course, our surprise caused a sensation! In the morning, when, exhausted from our nocturnal expedition, we were resting our resources by sleeping the sleep of the just, we were drawn from our dreams of greatness by the frightened cries of my mother, followed shortly by those of my father:

- But damn! What is this mess ?

- Dad ? Why is there an ostrich in the living room? my sister laughed next.

- You'll have to ask your brothers that ... he replied surprised.

"I think I'm going to pass out," my mother said then.


Indeed, kept on a leash and attached to the radiator, there was indeed, gagged by a big red flood, an ostrich in the living room. As promised my mother passed out, just as I and my brothers walked into the living room shouting: “Merry Christmas everyone!”. From memory, it seems to me that I said "dick," but to everyone's surprise no one seemed to pay attention.

Asked to explain their actions, my two fellows of brothers justified themselves by saying that knowing we were very poor, poor to the point of not being able to afford a meal worthy of the end of the year celebrations, and despite everything apologize for their stupidity the day before, rather than going to steal a present from everyone, and a turkey proving too difficult to take out under the mantle, they had nevertheless decided to offer a sumptuous meal to the whole family. So, the ostrich coming closest to the famous Christmas bird, they had decided, braving the prohibition and the danger, to go and get the one they had seen at the neighboring circus.

- What are we going to do ? my barely refreshed mother asked.

- We're going to eat it of course! jubilated my father, his eyes shining and his lips rolled up.

- But we'll have to kill her! my sister noticed.

- No problem, said my father, I'll assume it's the banker.

- I think I'm going to throw up! my mother swallowed.

​Christmas, fucking Christmas ... Don't tell me about Christmas otherwise I see red, red like an eviscerated Santa Claus, the small intestine in a garland. A little blood red Christmas daddy. A Christmas stiff, dabbling in a pool of blood, entrails in sausage and guts in Christmas pudding. A Santa Claus with sheared bones like a turkey's, and testicles dangling from the branches of the fucking family tree.

So there you have it, how in a year of unparalleled financial crisis, our precarious family did not receive any gifts, but ate extremely well on Christmas Day.

And me, where does my trauma come from? Well, supposedly because it would be good for me, and to cure my anemia, my father made me drink a full glass of hot blood ... which he filled, in front of me, directly on the neck of the beast.